Quand on se promène en forêt, on ne réalise pas qu’on ne voit que la moitié de ce système vivant ; l’autre partie, ce sont les racines qui relient les arbres à la terre. Dans la société actuelle, on distingue bien, autour de nous, les êtres vivants qui s’activent, mais on ne réalise pas qu’ils sont reliés par leurs relations culturelles, c’est-à-dire par toutes sortes de connivences qui sont autant de réseaux de communication.

La culture est ce qui distingue un groupe d’êtres humains d’un autre, c’est un moyen de se définir. Cette distinction s’accomplit parce que le groupe exprime ses valeurs par certaines représentations symboliques, écrites, imagées ou sonores.

Lorsqu’il y a un changement de structures, le groupe se dote d’une nouvelle écriture.

La culture est une affaire individuelle qui se passe dans un rapport aux autres ; une affaire de liens, d’affinités, d’appartenance, de complicité et de connivences :

C’est grâce à la culture qu’on fabrique des rêves qui deviennent ensuite des projets politiques, qu’on peut par la suite rentabiliser au niveau économique. Toutes les sociétés fonctionnent d’abord sur des rêves et des idées et, en grande partie, ce sont des dimensions qui proviennent du domaine de la culture.

(Herménégilde Chiasson, Acadie)

Il y a 50 000 ans, lorsque l’être humain a commencé à utiliser sa raison, il a remplacé la sélection naturelle par la culture. La première pensée symbolique est devenue l’une des premières écritures médiatiques connues : Lascaux. : il y a environ 18 000 ans avant J.-C. :

249

Si une société est un édifice qui fonctionne grâce à un rêve commun ; c’est sa culture qui lui donne sa cohésion. L’information étant énergie, la culture devient son véhicule, car c’est elle qui permet aux citoyens de se mettre en marche en leur proposant une direction commune. À l’avenir, c’est la diversité culturelle qui sera le joyau le plus précieux de l’humanité.

Si la technologie fait changer la culture, c’est la culture qui fait accepter les nouvelles technologies.

Une société est un savoir, un territoire, une histoire et, surtout, un vouloir. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y a plus de vouloir parce que la confiance entre les membres a disparu. Pour qu’un empilement de « Je » devienne un « Nous », il faut pouvoir regarder ensemble vers un horizon commun : vers un plan culturellement accepté par tous les acteurs, ce qui devient impossible s’il n’y a plus de confiance entre les acteurs comme c’est le cas actuellement.

Les élites visent la prochaine élection alors qu’elles devraient penser à la prochaine génération.

(Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme, 2013)

Les cultures

L’être humain vit dans une société multi étagée : individu, groupes informels, groupes formels et la société (schéma 17). Chaque palier est un environnement organisationnel où la culture et la langue subissent des influences. L’ensemble des paliers permet à la fois la ventilation des informations et la participation citoyenne :

06_paliers

Malheureusement, à cause de l’Internet, la culture actuelle devient une culture de l’instantané parce que les gens saucissonnent tous les contenus en capsules d’à peine quelques minutes. Chez le citoyen, cette fragmentation finit par annuler toute capacité de mise en relation des informations, empêchant souvent leur compréhension. Le citoyen évacue alors le passé en ne misant que sur l’événement actuel et en le diffusant immédiatement sur Internet. Les écrans transforment le citoyen en spectateur et, sa société, en un infospectacle dont chaque élément doit être blogué ou twitté pour exister.

Nous vivons à une époque où le numérique permet aux grands consortiums médiatiques de contourner aisément les législations nationales (chapitre 3). Parce que c’est un espace où nous nous définissons collectivement, on ne peut le laisser à d’autres qui veulent nous dicter ce que nous sommes. La culture pourrait devenir la prochaine victime de la mondialisation voulue par ces grands consortiums, ce qui représenterait un recul pour l’humanité.

Un système complexe

06_Culture

Il arrive même occasionnellement qu’une personne incarne la culture d’un peuple durant un bref moment : aux États-Unis, Martin Luther King (I Have a Dream) ou Johnny Cash (Man in Black) et, au Québec, René Lévesque ou Félix Leclerc.

Notre transition culturelle

Le développement d’une culture ressemble beaucoup à celui de la gastronomie. Les principes de base sont universels, mais son évolution dépend de ses racines locales. La gastronomie est le fruit de la rencontre d’un territoire (terre, air, eau et saisons) qui produit des fruits et des légumes aux goûts particuliers, avec des traditions culinaires locales à partir de cet espace-laboratoire qu’est la cuisine. Comme la culture, la cuisine est un lieu de transmission de savoir, de transmission de mémoire. Or, comme tous les pays industrialisés, la « cuisine » au Québec a tellement changé rapidement en quarante ou cinquante ans qu’on peut parler de transition culturelle accélérée, même d’une rupture :

1950 La rencontre de la communauté sur le perron de l’église paroissiale le dimanche matin, et les catalogues d’achats par correspondance.

1960 La taverne, les grandes salles de danses sociales ou le cinéma de quartier.

1970 La télévision dans le salon familial le dimanche soir.

1980 Les grands infospectacles continentaux (hockey, jeux olympiques ou politiques).

1990 Les données et les courriels échangés par Internet sur les écrans des micro-ordinateurs.

2000 Les images-écrans des réseaux sociaux sur les smartphones et les tablettes.

Collectivement, nous sommes passés rapidement d’une cuisine très locale au cyberespace, de recettes particulières à des spectacles planétaires américanisés, d’une réception en petit groupe à des médias de masse, etc.

À l’avenir, quel type d’échanges intergénérationnels existera entre ceux qui ont plus de 70 ans (qui sont enracinés dans un certain passé) et ceux qui ont 20 ans (qui n’envisagent qu’un avenir immédiat sans aucune racine) ? S’il y a rupture, sur quel type de culture pourrons-nous bâtir l’avenir ? D’autant que ce futur sera influencé par l’utilisation des nouvelles écritures médiatiques qui vont changer encore une fois la situation.

Dans le cas du Québec, la transition observée a pour nom la Révolution tranquille, durant laquelle l’ancienne identité « canadienne » s’est métamorphosée de « canadienne-française » à « québécoise ».

Une vision du Québec actuel :

Arbre-6

Cet arbre vit grâce à la circulation de la « sève », c’est-à-dire, dans le cas d’une société de la connaissance, de « l’information », d’une information qui prend la forme d’une nouvelle écriture médiatique.

Une société n’est pas la superposition de 100 cultures qui tentent de s’accommoder. Ce qui fait progresser une société, c’est l’intégration des différences enrichissantes à un tronc éthique commun solide.

(Henri Lamoureux)

Le grand changement

Complètement anesthésié par sa vision quotidienne de la vie, le citoyen ne distingue pas l’ampleur des mutations en cours d’ici 2020. Non seulement la structure technique bascule actuellement d’un média de masse vers une place publique planétaire et la structure économique, d’un cul-de-sac capitaliste vers on ne sait quel nouveau modèle ; à l’avenir, c’est la structure sociétale, donc la culture, qui va connaître le changement le plus profond :

250

Si on cesse d’analyser notre société en fonction de l’informatique et qu’on analyse plutôt la situation en fonction de l’information, on comprend mieux les différentes phases du changement par cette lecture comparée  :

Durant l’Internet 1 et le Web 1.0 (les données) :
  1. La théorie de la communication : les médias de masse (c’est-à-dire un broadcasting).
  2. La littératie : informatique et télécommunication.
Durant l’Internet 2 et le Web 2.0 (les informations) :
  1. La théorie de la communication : Two Step Flow of Communication (un pointcasting de pair à pair).
  2. La littératie : médiatisation et interprétation des contenus sur des multi plateformes.
Durant l’Internet 3 et le Web 3.0 (2020 ?) (les connaissances) :
  1. La théorie de la communication : The Multi Step Flow of Communication (un narrowcasting entre les groupes et les niches) ; c’est-à-dire une communication multiétagée (local-régional-national et individu-groupe-État).
  2. La littératie : idéatique et nouvelle écriture médiatique.

Quand on se promène en forêt, on ne réalise pas qu’on ne voit que la moitié de ce système vivant ; l’autre partie, ce sont les racines qui relient les arbres à la terre. Dans la société actuelle, on distingue bien, autour de nous, les êtres vivants qui s’activent, mais on ne réalise pas qu’ils sont reliés par leurs relations culturelles, c’est-à-dire par toutes sortes de connivences qui sont autant de réseaux de communication.

La culture est ce qui distingue un groupe d’êtres humains d’un autre, c’est un moyen de se définir. Cette distinction s’accomplit parce que le groupe exprime ses valeurs par certaines représentations symboliques, écrites, imagées ou sonores.

Lorsqu’il y a un changement de structures, le groupe se dote d’une nouvelle écriture.

La culture est une affaire individuelle qui se passe dans un rapport aux autres ; une affaire de liens, d’affinités, d’appartenance, de complicité et de connivences :

C’est grâce à la culture qu’on fabrique des rêves qui deviennent ensuite des projets politiques, qu’on peut par la suite rentabiliser au niveau économique. Toutes les sociétés fonctionnent d’abord sur des rêves et des idées et, en grande partie, ce sont des dimensions qui proviennent du domaine de la culture.

(Herménégilde Chiasson, Acadie)

Il y a 50 000 ans, lorsque l’être humain a commencé à utiliser sa raison, il a remplacé la sélection naturelle par la culture. La première pensée symbolique est devenue l’une des premières écritures médiatiques connues : Lascaux. : il y a environ 18 000 ans avant J.-C. :

249

Si une société est un édifice qui fonctionne grâce à un rêve commun ; c’est sa culture qui lui donne sa cohésion. L’information étant énergie, la culture devient son véhicule, car c’est elle qui permet aux citoyens de se mettre en marche en leur proposant une direction commune. À l’avenir, c’est la diversité culturelle qui sera le joyau le plus précieux de l’humanité.

Si la technologie fait changer la culture, c’est la culture qui fait accepter les nouvelles technologies.

Une société est un savoir, un territoire, une histoire et, surtout, un vouloir. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y a plus de vouloir parce que la confiance entre les membres a disparu. Pour qu’un empilement de « Je » devienne un « Nous », il faut pouvoir regarder ensemble vers un horizon commun : vers un plan culturellement accepté par tous les acteurs, ce qui devient impossible s’il n’y a plus de confiance entre les acteurs comme c’est le cas actuellement.

Les élites visent la prochaine élection alors qu’elles devraient penser à la prochaine génération.

(Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme, 2013)

Les cultures

L’être humain vit dans une société multi étagée : individu, groupes informels, groupes formels et la société (schéma 17). Chaque palier est un environnement organisationnel où la culture et la langue subissent des influences. L’ensemble des paliers permet à la fois la ventilation des informations et la participation citoyenne :

06_paliers

Malheureusement, à cause de l’Internet, la culture actuelle devient une culture de l’instantané parce que les gens saucissonnent tous les contenus en capsules d’à peine quelques minutes. Chez le citoyen, cette fragmentation finit par annuler toute capacité de mise en relation des informations, empêchant souvent leur compréhension. Le citoyen évacue alors le passé en ne misant que sur l’événement actuel et en le diffusant immédiatement sur Internet. Les écrans transforment le citoyen en spectateur et, sa société, en un infospectacle dont chaque élément doit être blogué ou twitté pour exister.

Nous vivons à une époque où le numérique permet aux grands consortiums médiatiques de contourner aisément les législations nationales (chapitre 3). Parce que c’est un espace où nous nous définissons collectivement, on ne peut le laisser à d’autres qui veulent nous dicter ce que nous sommes. La culture pourrait devenir la prochaine victime de la mondialisation voulue par ces grands consortiums, ce qui représenterait un recul pour l’humanité.

Un système complexe

06_Culture

Il arrive même occasionnellement qu’une personne incarne la culture d’un peuple durant un bref moment : aux États-Unis, Martin Luther King (I Have a Dream) ou Johnny Cash (Man in Black) et, au Québec, René Lévesque ou Félix Leclerc.

Notre transition culturelle

Le développement d’une culture ressemble beaucoup à celui de la gastronomie. Les principes de base sont universels, mais son évolution dépend de ses racines locales. La gastronomie est le fruit de la rencontre d’un territoire (terre, air, eau et saisons) qui produit des fruits et des légumes aux goûts particuliers, avec des traditions culinaires locales à partir de cet espace-laboratoire qu’est la cuisine. Comme la culture, la cuisine est un lieu de transmission de savoir, de transmission de mémoire. Or, comme tous les pays industrialisés, la « cuisine » au Québec a tellement changé rapidement en quarante ou cinquante ans qu’on peut parler de transition culturelle accélérée, même d’une rupture :

1950 La rencontre de la communauté sur le perron de l’église paroissiale le dimanche matin, et les catalogues d’achats par correspondance.

1960 La taverne, les grandes salles de danses sociales ou le cinéma de quartier.

1970 La télévision dans le salon familial le dimanche soir.

1980 Les grands infospectacles continentaux (hockey, jeux olympiques ou politiques).

1990 Les données et les courriels échangés par Internet sur les écrans des micro-ordinateurs.

2000 Les images-écrans des réseaux sociaux sur les smartphones et les tablettes.

Collectivement, nous sommes passés rapidement d’une cuisine très locale au cyberespace, de recettes particulières à des spectacles planétaires américanisés, d’une réception en petit groupe à des médias de masse, etc.

À l’avenir, quel type d’échanges intergénérationnels existera entre ceux qui ont plus de 70 ans (qui sont enracinés dans un certain passé) et ceux qui ont 20 ans (qui n’envisagent qu’un avenir immédiat sans aucune racine) ? S’il y a rupture, sur quel type de culture pourrons-nous bâtir l’avenir ? D’autant que ce futur sera influencé par l’utilisation des nouvelles écritures médiatiques qui vont changer encore une fois la situation.

Dans le cas du Québec, la transition observée a pour nom la Révolution tranquille, durant laquelle l’ancienne identité « canadienne » s’est métamorphosée de « canadienne-française » à « québécoise ».

Une vision du Québec actuel :

Arbre-6

Cet arbre vit grâce à la circulation de la « sève », c’est-à-dire, dans le cas d’une société de la connaissance, de « l’information », d’une information qui prend la forme d’une nouvelle écriture médiatique.

Une société n’est pas la superposition de 100 cultures qui tentent de s’accommoder. Ce qui fait progresser une société, c’est l’intégration des différences enrichissantes à un tronc éthique commun solide.

(Henri Lamoureux)

Le grand changement

Complètement anesthésié par sa vision quotidienne de la vie, le citoyen ne distingue pas l’ampleur des mutations en cours d’ici 2020. Non seulement la structure technique bascule actuellement d’un média de masse vers une place publique planétaire et la structure économique, d’un cul-de-sac capitaliste vers on ne sait quel nouveau modèle ; à l’avenir, c’est la structure sociétale, donc la culture, qui va connaître le changement le plus profond :

250

Si on cesse d’analyser notre société en fonction de l’informatique et qu’on analyse plutôt la situation en fonction de l’information, on comprend mieux les différentes phases du changement par cette lecture comparée  :

Durant l’Internet 1 et le Web 1.0 (les données) :
  1. La théorie de la communication : les médias de masse (c’est-à-dire un broadcasting).
  2. La littératie : informatique et télécommunication.
Durant l’Internet 2 et le Web 2.0 (les informations) :
  1. La théorie de la communication : Two Step Flow of Communication (un pointcasting de pair à pair).
  2. La littératie : médiatisation et interprétation des contenus sur des multi plateformes.
Durant l’Internet 3 et le Web 3.0 (2020 ?) (les connaissances) :
  1. La théorie de la communication : The Multi Step Flow of Communication (un narrowcasting entre les groupes et les niches) ; c’est-à-dire une communication multiétagée (local-régional-national et individu-groupe-État).
  2. La littératie : idéatique et nouvelle écriture médiatique.