Les réseaux sociaux couvrant de grandes distances existent depuis plus de mille ans. Déjà, à la fin du Moyen Âge, des moines itinérants allaient d’une abbaye à une autre pour échanger leurs livres manuscrits. Depuis la Renaissance, de nombreux réseaux scientifiques se sont organisés par courrier à travers l’Europe ; les premières universités se sont développées à partir de ces hommes de sciences utilisant leurs réseaux épistolaires.

Ici, ce qui nous intéresse, c’est l’émergence récente des réseaux sociaux numériques, c’est-à-dire utilisant Internet. La première vague était orientée vers l’idée de partage entre ses utilisateurs. Elle a donné naissance à des espaces plus intimes, plus libres et plus communautaires qu’auparavant.

La différence entre les médias de masse et les réseaux sociaux :
Screen Shot

Les transitions de l’empowerment

Dans le passé, il y a eu trois étapes de responsabilisation, c’est-à-dire d’autonomatisation des citoyens. On parle de capacitation : c’est-à-dire d’acquérir un contrôle plus grand sur les événements qui concernent directement les gens :

  • 1re génération : 1980
    L’arrivée des micro-ordinateurs personnels coïncide avec le mouvement d’empowerment politique (Alinski, Etzioni et Rubin, vers 1968) (Voir aussi Mai 68 en France et au Québec et en 70). Plusieurs expériences d’émancipation informatiques voient le jour : Whole Earth Catalog, The Well, etc. en même temps que la génération des Flower Peoples de la côte ouest. La micro-informatique suscite les premiers réseaux de « d’évangélistes » et des clubs Apple, des BBS et d’une culture du « faire » (chapitre 3, no 6).
  • 2e génération : 1995
    L’apparition d’Internet et du Web déclenche un mouvement d’appropriation des outils numériques par de nouvelles masses de plus en plus importantes d’utilisateurs. Tout ceci coïncide avec l’organisation de divers mouvements de militantisme (féministes, gais, amérindiens, écologistes, etc.) et augmente encore plus le pouvoir politique d’agir des citoyens.
  • 3e génération : 2005
    Les révolutions feutrées et sanglantes (érable, Arabes, anti-Wall Street, etc.) utilisent à la fois plusieurs outils : les appareils mobiles, les médias de masse, les organisations, etc. auxquels correspond une sophistication des outils numériques politiques et policiers (SNA, etc.)

L’empowerment (l’autonomatisation, la capacitation, etc.) serait une lutte de reconquête des pouvoirs politiques et économiques qui ne ferait que commencer ?

<strong>Repères</strong> (contenus)
1968 Whole Earth Catalog (annonciateur de la contreculture
et de la cyberculture)
1969 Compuserve
1971 Premier courriel (sur Arpanet)
1978 Bulletin Board System (BBS)
1978 Premiers pourriels (spams)
1979 Usenet
1980 Vidéotexte : ‘initel en France, Télidon au Canada
1985 The Well (première communauté virtuelle)
1986 Listserv (liste de diffusion)
1988 Chat (Instant Relay Chat)
1991 Web
1993 Mosaic
1994 Blogue
1994 World of Warcraft (jeux de groupes en ligne)
1995 Wiki, Geocities,
1997 Hotmail, AOL,
1998 Google
1999 Blogger
1999 Napster
2001 Wikipedia, iPod,
2002 Friendster
2003 Web 2.0 (Web participatif)
2003 Linkedin, Delicious, WorldPress, MySpace, SecondLife
2003 Second Life (l’univers virtuel 3D)
2004 Facebook (à Harvard)
2004 Balado diffusion, Flickr, Digg, Vimeo,
2005 YouTube
2008 Twitter
2008 iPhone
2009 iPad
2010 Pinterest
2012 Cours massifs en ligne (MOOC)
2012 Objets portables (wearables) (Début de l’Internet des objets)

L’apparition de Facebook : A Social Graphi-ti :
315
Pourtant, cette technologie pourrait, susciter dans un deuxième temps différentes formes de socialisation en encadrant notamment les prises de parole citoyennes dans la société.

Les acteurs sociaux sur le Web

L’avenir des différents Web (militaire, commercial, académique et surtout social) dépends de la participation de ses utilisateurs. Or, ceux-ci sont actifs inégalement. Voici les six échelons de la sociabilité par ordre croissant selon le Forrester Research Technographics, 2008) :

  • Les spectateurs (69 % aux États-Unis)

    Ils lisent les blogues, consultent les différentes évaluations et regardent les vidéos des autres usagers.

  • Les adhérents (35 %)

    Ils sont membres de réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace.

  • Les collectionneurs (19 %)

    Ils organisent le contenu pour leur usage en utilisant les mises à jour automatiques, les signets, etc.

  • Les critiques (37 %)

    Ils commentent les productions ou les services, participent aux blogues et aux forums.

  • Les créateurs (21 %)

    Ils créent du contenu, publient de blogues ou leur propre page web, diffusent leur œuvre.

Aux États-Unis, 25 % de la population adulte était inactive à cette période.

Un nouveau modèle d’affaires

Étant un user-generated content, le réseau social offre aux promoteurs un modèle d’affaires inédit où c‘est l’usager qui fournit, à ses frais, des informations sur lui-même. Il fournit aussi ses photos et ses vidéos, libres de droits, à ces mêmes promoteurs. Il en rajoute ensuite en allant solliciter lui-même ses « amis », sous prétexte de commenter leurs contenus et profils. Il s’agit d’une économie de la contribution déguisée (schéma 28).

En fait, les réseaux sociaux se nourrissent de la vie privée des gens ; leur monitorage des détails privés et des idées ne sert qu’à développer les bonnes publicités pour le bon public. Les données sociales deviennent la denrée principale du marketing numérique ; en 2011, Facebook a récolté 3,7 milliards $ en publicité. Ce n’est pas le réseau social qui est un produit, mais plutôt les données sur le citoyen que Facebook vend aux publicitaires. Ces données deviennent ensuite la matière première des marketeurs.

Ils vampirisent nos vies pour les revendre aux annonceurs.

(Electronic Privacy Information Center)

La rencontre des médias sociaux et du Big data :   022

Le paysage actuel des réseaux sociaux (2012)

Ce ne sont plus des réseaux d’information, mais des réseaux d’opinions, ce qui les rend très émotifs actuellement (chapitre 1, no 8). Ils révèlent l’opinion d’une tranche de la population à un moment donné en permettant au citoyen de promouvoir son opinion, c’est-à-dire de s’inclure dans le débat public, sans passer par des réseaux gouvernementaux ou commerciaux.
316
Voici un tableau du paysage quotidien des réseaux sociaux aux États-Unis (d’après les travaux de Brian Solis, The Conversation Prism, 2008) :

Création de contenus

  • Musique : Pandora, Rhapsody, SoundCloud. Shazam, Rdia, Mog, etc,
  • Images : Flickr, Instagram, Picasa, ShutterFly, Hipstamatic, etc,
  • Vidéo : Vimeo, TED, Vine, Vevo, Metacafe, Viddy, Break, Dalymation, etc.
  • Visuel : Prezi, Scrib, Edoor, SlideShare, etc.

Activités en réseaux

  • Réseautage : Guru, Freelancer, DesignCrowd, CrowdSpring, 99 designg, etc,
  • R. Sociaux : Facebook, MySpace, Google+, Tagged, Hi5, Soci, etc.
  • Forums : Google, Facebook, 4Chan, Lingia, BigBoards, etc.
  • Places pub. : GroupOn, KickStarter, Copious, ScoutMob, Living Sound, etc.
  • Groupes : Reddit, Digg, BuzzFeed, NowPublic, NewsVine, Starify, Prismatic, etc.
  • Niches : Care 2, Wiser, Diaspora, Cafemom, GoodReads, Path, Miso, etc.
  • Entreprises : Chatter, StatusNet, NewsGator, Yammer, SocialCast, etc.
  • Affaires : Linkedin, Viadeo, BranchOut, Identified, etc.
  • Rating : Amazon.com, Epinions, AnglesList, Glassdoor, Yelp, etc.
  • Curation : Pinterest, Feedly, Fancy, Zite, Scoop, Alltop, RebelMouse, etc.
  • Événemnts : MeetUp, PlanCast, EventBrite, Zevents, etc.
  • Q & R : Yahoo, AllExperts, WildAnswers, AnswersCorp. Quora, etc.

Techniques d’échange

  • Blogues : Bloger, WordPress, Tumbler, TypePad, MovableType, SquareSpace, etc.
  • Tweets : Twitter, AOL, Echo, Pheed, APRNET, etc.
  • Wiki : Wikipedia, Wikia, Twiki, WikiSpaces, etc.
  • Social : Del.icio.us, Instapaper, PearlTrees, EverNote, Potluck, etc.
  • Livecsting : Livestream, Justin, Vokle, Qik, UStream, etc.
  • Location : FourSquare, Intro, Highlight, Banjo, Dopple, etc.

Quelques statistiques (Search Engine Journal, 2013) :

Facebook (depuis 2004) 1,15 milliard d’utilisateurs
Google+ 2010 1 milliard
Twitter 2006 554 millions
Instagram 2010 150 millions
Pinterest 2012 70 millions
  • 72 % de l’ensemble des internautes utilisent actuellement les réseaux sociaux ;
  • 70 % du trafic de YouTube vient d’utilisateurs hors des États-Unis ;
  • 89 % des 18-89 ans utilisent ces réseaux sociaux (ils placent leur téléphone cellulaire à côté de leur lit pour dormir) ;
  • Aux États-Unis, les usagers passent 16 minutes par heure sur les réseaux sociaux ;
  • 70 % des usagers cherchent à connaître les expériences des amis ;
  • 65 % veulent connaître les marques de commerce ou les produits utilisés par leurs pairs ;
  • 50 % s’informent des défauts des produits ;
  • 40 % des tablettes et des téléphones smart sont utilisés en regardant en même temps la télévision.

Les réseaux sociaux sont des bouffeurs de temps !

Leurs caractéristiques actuelles

Un médium de l’immédiat:

Parce qu’il blogue ou tweet en temps réel, l’internaute n’a pas le temps de vérifier ce qu’il diffuse parce qu’il vit dans l’ici et le maintenant. Vivre dans l’immédiat lui donne l’impression de vivre dans un climat d’urgence. D’ailleurs, de plus en plus les réseaux sociaux ont tendance à s’emballer quand survient un incident majeur.

Un médium d’émotion

Parce que le temps réel est celui de l’émotion, l’usager ne réfléchit plus avec sa raison, mais plutôt via ses réactions à chaud (40 % des échanges quotidiens sont des confidences sur soi ou ses proches) (chapitre 1, no 8). Les réseaux sociaux sont peut-être efficaces pour déboulonner le pouvoir, mais ils sont incapables de participer à une construction démocratique parce qu’ils sont actuellement une dictature de l’émotion.

On commence à s’apercevoir que l’émotion entourant les réseaux sociaux crée souvent des tensions sociales, même de la jalousie et de la dépression ; l’émotion la plus fréquente étant l’envie de ses pairs (Rapport du Public Library of Science, 2013)

Un médium latéral

Il devrait favoriser l’échange d’opinions entre des groupes de citoyens à la recherche de consensus, qui sont essentiels au développement d’une démocratie participative et exigent une participation collective. Cependant, il s’agit d’une hypothèse qui ne s’est pas concrétisée à ce jour, les réseaux sociaux I actuels versant plutôt dans l’individualisme.

Un médium de volume

Ses utilisateurs sont surtout préoccupés par le volume des clics activés chaque minute : c’est un sacre par le nombre. Le temps de l’amitié n’a rien à voir avec l’instantanéité virtuelle de Facebook et de Twitter, parce qu’il demande l’attention de l’autre, c’est-à-dire un temps d’intimité et d’interaction dans des actions communes afin qu’une synchronie s’installe entre les besoins et les désirs de l’un et les réponses de l’autre.

Eminem a 73 millions d’abonnés sur Facebook, Michael Jackson, 63, et Lady Gaga, 59 ; ce ne sont plus des « amis», mais des admirateurs.

Quelques réflexions préliminaires

  • On ne peut pas leur reprocher leur popularité. Avant eux, le télégraphe, le téléphone et le micro-ordinateur avaient tous connu d’énormes bonds de popularité lors de leur mise en place commerciale.
  • On ne peut pas leur reprocher leur immédiateté ou leurs textes courts. Dans le passé, chaque invention a cherché à réduire le temps de production-diffusion afin d’améliorer le bien-être des populations en mettant rapidement en circulation plus d’informations à des coûts moindres.
  • Parce que les réseaux sociaux cassent le modèle de communication des élites habituées à des décisions qui circulent de haut en bas (top down), beaucoup de dirigeants se sentent actuellement attaqués par ces outils qui semblent contredire leur façon de faire et, surtout, de décider, d’où la volonté actuelle de plusieurs politiciens de museler l’Internet 2.
  • Après une lecture de ces textes courts et de ces profils sur Facebook, on peut se demander comment tant de gens confient tant de détails personnels à leur milieu si ce n’est, pour plusieurs personnes, que pour camoufler leur immense solitude.

Leur déclin probable (après 2020 ?)

Les réseaux sociaux ne sont apparus que depuis sept ou huit ans et déjà plusieurs usagers, des jeunes surtout, commencent à être critiques vis-à-vis leurs usages très narcissiques.

Après la poussée de la génération technologique actuelle, les grands réseaux sociaux vont probablement commencer à décliner pour faire place à des réseaux beaucoup plus spécialisés, plus secteurisés, à cause de la personnalisation qui suscite des niches et aussi du fait que beaucoup des futurs usagers utiliseront plutôt des caractères arabes, chinois ou indiens (l’anglais n’est parlé que par 33 % des utilisateurs du Web).

Après avoir fait le plein de clientèles depuis 5 ans, ils seront bientôt à la merci du comportement de leurs usagers ; ils atteignent actuellement leur limitation. Il suffirait que les adolescents découvrent une façon de communiquer plus cool pour que les réseaux actuels s’effondrent ; d’ailleurs, les jeunes commencent à les quitter parce que trop de personnes âgées commencent à les utiliser. De plus, on commence sérieusement à se questionner sur certains de leurs aspects négatifs (Is Google Making Us Stupid?, Nicolas Carr, 2011) (voir le chapitre 7). Après 2020 ( ?), en raison des changements culturels (nouveaux appareils mobiles et ordinateurs, Internet 3, quatre Web, etc.) et après la découverte de l’épisode de l’espionnage (de la NSA), il y aura probablement un déclin !

La génération précédente d’utilisateurs fut celle du Bic jetable, est-ce que la suivante sera celle du iPad jetable ?

Facebook est l’endroit où tu mens à tes amis, Twitter où tu dis la vérité à des étrangers.

Les réseaux sociaux couvrant de grandes distances existent depuis plus de mille ans. Déjà, à la fin du Moyen Âge, des moines itinérants allaient d’une abbaye à une autre pour échanger leurs livres manuscrits. Depuis la Renaissance, de nombreux réseaux scientifiques se sont organisés par courrier à travers l’Europe ; les premières universités se sont développées à partir de ces hommes de sciences utilisant leurs réseaux épistolaires.

Ici, ce qui nous intéresse, c’est l’émergence récente des réseaux sociaux numériques, c’est-à-dire utilisant Internet. La première vague était orientée vers l’idée de partage entre ses utilisateurs. Elle a donné naissance à des espaces plus intimes, plus libres et plus communautaires qu’auparavant.

La différence entre les médias de masse et les réseaux sociaux :
Screen Shot

Les transitions de l’empowerment

Dans le passé, il y a eu trois étapes de responsabilisation, c’est-à-dire d’autonomatisation des citoyens. On parle de capacitation : c’est-à-dire d’acquérir un contrôle plus grand sur les événements qui concernent directement les gens :

  • 1re génération : 1980
    L’arrivée des micro-ordinateurs personnels coïncide avec le mouvement d’empowerment politique (Alinski, Etzioni et Rubin, vers 1968) (Voir aussi Mai 68 en France et au Québec et en 70). Plusieurs expériences d’émancipation informatiques voient le jour : Whole Earth Catalog, The Well, etc. en même temps que la génération des Flower Peoples de la côte ouest. La micro-informatique suscite les premiers réseaux de « d’évangélistes » et des clubs Apple, des BBS et d’une culture du « faire » (chapitre 3, no 6).
  • 2e génération : 1995
    L’apparition d’Internet et du Web déclenche un mouvement d’appropriation des outils numériques par de nouvelles masses de plus en plus importantes d’utilisateurs. Tout ceci coïncide avec l’organisation de divers mouvements de militantisme (féministes, gais, amérindiens, écologistes, etc.) et augmente encore plus le pouvoir politique d’agir des citoyens.
  • 3e génération : 2005
    Les révolutions feutrées et sanglantes (érable, Arabes, anti-Wall Street, etc.) utilisent à la fois plusieurs outils : les appareils mobiles, les médias de masse, les organisations, etc. auxquels correspond une sophistication des outils numériques politiques et policiers (SNA, etc.)

L’empowerment (l’autonomatisation, la capacitation, etc.) serait une lutte de reconquête des pouvoirs politiques et économiques qui ne ferait que commencer ?

<strong>Repères</strong> (contenus)
1968 Whole Earth Catalog (annonciateur de la contreculture
et de la cyberculture)
1969 Compuserve
1971 Premier courriel (sur Arpanet)
1978 Bulletin Board System (BBS)
1978 Premiers pourriels (spams)
1979 Usenet
1980 Vidéotexte : ‘initel en France, Télidon au Canada
1985 The Well (première communauté virtuelle)
1986 Listserv (liste de diffusion)
1988 Chat (Instant Relay Chat)
1991 Web
1993 Mosaic
1994 Blogue
1994 World of Warcraft (jeux de groupes en ligne)
1995 Wiki, Geocities,
1997 Hotmail, AOL,
1998 Google
1999 Blogger
1999 Napster
2001 Wikipedia, iPod,
2002 Friendster
2003 Web 2.0 (Web participatif)
2003 Linkedin, Delicious, WorldPress, MySpace, SecondLife
2003 Second Life (l’univers virtuel 3D)
2004 Facebook (à Harvard)
2004 Balado diffusion, Flickr, Digg, Vimeo,
2005 YouTube
2008 Twitter
2008 iPhone
2009 iPad
2010 Pinterest
2012 Cours massifs en ligne (MOOC)
2012 Objets portables (wearables) (Début de l’Internet des objets)

L’apparition de Facebook : A Social Graphi-ti :
315
Pourtant, cette technologie pourrait, susciter dans un deuxième temps différentes formes de socialisation en encadrant notamment les prises de parole citoyennes dans la société.

Les acteurs sociaux sur le Web

L’avenir des différents Web (militaire, commercial, académique et surtout social) dépends de la participation de ses utilisateurs. Or, ceux-ci sont actifs inégalement. Voici les six échelons de la sociabilité par ordre croissant selon le Forrester Research Technographics, 2008) :

  • Les spectateurs (69 % aux États-Unis)

    Ils lisent les blogues, consultent les différentes évaluations et regardent les vidéos des autres usagers.

  • Les adhérents (35 %)

    Ils sont membres de réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace.

  • Les collectionneurs (19 %)

    Ils organisent le contenu pour leur usage en utilisant les mises à jour automatiques, les signets, etc.

  • Les critiques (37 %)

    Ils commentent les productions ou les services, participent aux blogues et aux forums.

  • Les créateurs (21 %)

    Ils créent du contenu, publient de blogues ou leur propre page web, diffusent leur œuvre.

Aux États-Unis, 25 % de la population adulte était inactive à cette période.

Un nouveau modèle d’affaires

Étant un user-generated content, le réseau social offre aux promoteurs un modèle d’affaires inédit où c‘est l’usager qui fournit, à ses frais, des informations sur lui-même. Il fournit aussi ses photos et ses vidéos, libres de droits, à ces mêmes promoteurs. Il en rajoute ensuite en allant solliciter lui-même ses « amis », sous prétexte de commenter leurs contenus et profils. Il s’agit d’une économie de la contribution déguisée (schéma 28).

En fait, les réseaux sociaux se nourrissent de la vie privée des gens ; leur monitorage des détails privés et des idées ne sert qu’à développer les bonnes publicités pour le bon public. Les données sociales deviennent la denrée principale du marketing numérique ; en 2011, Facebook a récolté 3,7 milliards $ en publicité. Ce n’est pas le réseau social qui est un produit, mais plutôt les données sur le citoyen que Facebook vend aux publicitaires. Ces données deviennent ensuite la matière première des marketeurs.

Ils vampirisent nos vies pour les revendre aux annonceurs.

(Electronic Privacy Information Center)

La rencontre des médias sociaux et du Big data :   022

Le paysage actuel des réseaux sociaux (2012)

Ce ne sont plus des réseaux d’information, mais des réseaux d’opinions, ce qui les rend très émotifs actuellement (chapitre 1, no 8). Ils révèlent l’opinion d’une tranche de la population à un moment donné en permettant au citoyen de promouvoir son opinion, c’est-à-dire de s’inclure dans le débat public, sans passer par des réseaux gouvernementaux ou commerciaux.
316
Voici un tableau du paysage quotidien des réseaux sociaux aux États-Unis (d’après les travaux de Brian Solis, The Conversation Prism, 2008) :

Création de contenus

  • Musique : Pandora, Rhapsody, SoundCloud. Shazam, Rdia, Mog, etc,
  • Images : Flickr, Instagram, Picasa, ShutterFly, Hipstamatic, etc,
  • Vidéo : Vimeo, TED, Vine, Vevo, Metacafe, Viddy, Break, Dalymation, etc.
  • Visuel : Prezi, Scrib, Edoor, SlideShare, etc.

Activités en réseaux

  • Réseautage : Guru, Freelancer, DesignCrowd, CrowdSpring, 99 designg, etc,
  • R. Sociaux : Facebook, MySpace, Google+, Tagged, Hi5, Soci, etc.
  • Forums : Google, Facebook, 4Chan, Lingia, BigBoards, etc.
  • Places pub. : GroupOn, KickStarter, Copious, ScoutMob, Living Sound, etc.
  • Groupes : Reddit, Digg, BuzzFeed, NowPublic, NewsVine, Starify, Prismatic, etc.
  • Niches : Care 2, Wiser, Diaspora, Cafemom, GoodReads, Path, Miso, etc.
  • Entreprises : Chatter, StatusNet, NewsGator, Yammer, SocialCast, etc.
  • Affaires : Linkedin, Viadeo, BranchOut, Identified, etc.
  • Rating : Amazon.com, Epinions, AnglesList, Glassdoor, Yelp, etc.
  • Curation : Pinterest, Feedly, Fancy, Zite, Scoop, Alltop, RebelMouse, etc.
  • Événemnts : MeetUp, PlanCast, EventBrite, Zevents, etc.
  • Q & R : Yahoo, AllExperts, WildAnswers, AnswersCorp. Quora, etc.

Techniques d’échange

  • Blogues : Bloger, WordPress, Tumbler, TypePad, MovableType, SquareSpace, etc.
  • Tweets : Twitter, AOL, Echo, Pheed, APRNET, etc.
  • Wiki : Wikipedia, Wikia, Twiki, WikiSpaces, etc.
  • Social : Del.icio.us, Instapaper, PearlTrees, EverNote, Potluck, etc.
  • Livecsting : Livestream, Justin, Vokle, Qik, UStream, etc.
  • Location : FourSquare, Intro, Highlight, Banjo, Dopple, etc.

Quelques statistiques (Search Engine Journal, 2013) :

Facebook (depuis 2004) 1,15 milliard d’utilisateurs
Google+ 2010 1 milliard
Twitter 2006 554 millions
Instagram 2010 150 millions
Pinterest 2012 70 millions
  • 72 % de l’ensemble des internautes utilisent actuellement les réseaux sociaux ;
  • 70 % du trafic de YouTube vient d’utilisateurs hors des États-Unis ;
  • 89 % des 18-89 ans utilisent ces réseaux sociaux (ils placent leur téléphone cellulaire à côté de leur lit pour dormir) ;
  • Aux États-Unis, les usagers passent 16 minutes par heure sur les réseaux sociaux ;
  • 70 % des usagers cherchent à connaître les expériences des amis ;
  • 65 % veulent connaître les marques de commerce ou les produits utilisés par leurs pairs ;
  • 50 % s’informent des défauts des produits ;
  • 40 % des tablettes et des téléphones smart sont utilisés en regardant en même temps la télévision.

Les réseaux sociaux sont des bouffeurs de temps !

Leurs caractéristiques actuelles

Un médium de l’immédiat:

Parce qu’il blogue ou tweet en temps réel, l’internaute n’a pas le temps de vérifier ce qu’il diffuse parce qu’il vit dans l’ici et le maintenant. Vivre dans l’immédiat lui donne l’impression de vivre dans un climat d’urgence. D’ailleurs, de plus en plus les réseaux sociaux ont tendance à s’emballer quand survient un incident majeur.

Un médium d’émotion

Parce que le temps réel est celui de l’émotion, l’usager ne réfléchit plus avec sa raison, mais plutôt via ses réactions à chaud (40 % des échanges quotidiens sont des confidences sur soi ou ses proches) (chapitre 1, no 8). Les réseaux sociaux sont peut-être efficaces pour déboulonner le pouvoir, mais ils sont incapables de participer à une construction démocratique parce qu’ils sont actuellement une dictature de l’émotion.

On commence à s’apercevoir que l’émotion entourant les réseaux sociaux crée souvent des tensions sociales, même de la jalousie et de la dépression ; l’émotion la plus fréquente étant l’envie de ses pairs (Rapport du Public Library of Science, 2013)

Un médium latéral

Il devrait favoriser l’échange d’opinions entre des groupes de citoyens à la recherche de consensus, qui sont essentiels au développement d’une démocratie participative et exigent une participation collective. Cependant, il s’agit d’une hypothèse qui ne s’est pas concrétisée à ce jour, les réseaux sociaux I actuels versant plutôt dans l’individualisme.

Un médium de volume

Ses utilisateurs sont surtout préoccupés par le volume des clics activés chaque minute : c’est un sacre par le nombre. Le temps de l’amitié n’a rien à voir avec l’instantanéité virtuelle de Facebook et de Twitter, parce qu’il demande l’attention de l’autre, c’est-à-dire un temps d’intimité et d’interaction dans des actions communes afin qu’une synchronie s’installe entre les besoins et les désirs de l’un et les réponses de l’autre.

Eminem a 73 millions d’abonnés sur Facebook, Michael Jackson, 63, et Lady Gaga, 59 ; ce ne sont plus des « amis», mais des admirateurs.

Quelques réflexions préliminaires

  • On ne peut pas leur reprocher leur popularité. Avant eux, le télégraphe, le téléphone et le micro-ordinateur avaient tous connu d’énormes bonds de popularité lors de leur mise en place commerciale.
  • On ne peut pas leur reprocher leur immédiateté ou leurs textes courts. Dans le passé, chaque invention a cherché à réduire le temps de production-diffusion afin d’améliorer le bien-être des populations en mettant rapidement en circulation plus d’informations à des coûts moindres.
  • Parce que les réseaux sociaux cassent le modèle de communication des élites habituées à des décisions qui circulent de haut en bas (top down), beaucoup de dirigeants se sentent actuellement attaqués par ces outils qui semblent contredire leur façon de faire et, surtout, de décider, d’où la volonté actuelle de plusieurs politiciens de museler l’Internet 2.
  • Après une lecture de ces textes courts et de ces profils sur Facebook, on peut se demander comment tant de gens confient tant de détails personnels à leur milieu si ce n’est, pour plusieurs personnes, que pour camoufler leur immense solitude.

Leur déclin probable (après 2020 ?)

Les réseaux sociaux ne sont apparus que depuis sept ou huit ans et déjà plusieurs usagers, des jeunes surtout, commencent à être critiques vis-à-vis leurs usages très narcissiques.

Après la poussée de la génération technologique actuelle, les grands réseaux sociaux vont probablement commencer à décliner pour faire place à des réseaux beaucoup plus spécialisés, plus secteurisés, à cause de la personnalisation qui suscite des niches et aussi du fait que beaucoup des futurs usagers utiliseront plutôt des caractères arabes, chinois ou indiens (l’anglais n’est parlé que par 33 % des utilisateurs du Web).

Après avoir fait le plein de clientèles depuis 5 ans, ils seront bientôt à la merci du comportement de leurs usagers ; ils atteignent actuellement leur limitation. Il suffirait que les adolescents découvrent une façon de communiquer plus cool pour que les réseaux actuels s’effondrent ; d’ailleurs, les jeunes commencent à les quitter parce que trop de personnes âgées commencent à les utiliser. De plus, on commence sérieusement à se questionner sur certains de leurs aspects négatifs (Is Google Making Us Stupid?, Nicolas Carr, 2011) (voir le chapitre 7). Après 2020 ( ?), en raison des changements culturels (nouveaux appareils mobiles et ordinateurs, Internet 3, quatre Web, etc.) et après la découverte de l’épisode de l’espionnage (de la NSA), il y aura probablement un déclin !

La génération précédente d’utilisateurs fut celle du Bic jetable, est-ce que la suivante sera celle du iPad jetable ?

Facebook est l’endroit où tu mens à tes amis, Twitter où tu dis la vérité à des étrangers.