C’est un Nouveau Monde qui se met en place. Il est dominé actuellement par les Big Four de l’information : Google, Apple, Amazon et Facebook (chapitre 1). C’est un monde aux contours flous à cause des secrets industriels dont ces grandes entreprises s’entourent.

On ne réalise guère que nous venons d’assister, en 40 ans, à l’émergence de superpuissances comme on ne l’avait jamais vu auparavant dans toute notre histoire. Nous sommes dépendants de leurs écrans pour communiquer, transiger, apprendre et même rêver. Notre patrimoine culturel, comme les livres, les images et la musique, est emmagasiné chez eux et semble leur appartenir désormais.

Est-ce que nous sommes en train d’échanger les classes politiques et économiques qui nous ont dominés dans le passé pour cette nouvelle élite qui semble vouloir s’approprier tous les outils nécessaires à notre développement futur ?

Pourquoi en sommes-nous rendus là ?

La situation a commencé à se développer à partir des années 1980. À l’origine, il y avait de très petites compagnies, nées dans des garages de la Côte ouest américaine, qui voulaient répondre aux besoins de quelques usagers locaux. C’étaient des jeunes anticonformistes qui rêvaient du jour où il y aurait un ordinateur dans chaque maison. Sans le savoir, ils ont envahi un nouvel espace social qui était complètement inoccupé.

La règle du premier arrivé a joué en leur faveur. En effet, les premières entreprises qui plantent leur drapeau sur un territoire donné sont toujours adoptées par les premiers utilisateurs (early adaptors). C’est la prime au premier entrant (Apple et Microsoft, par exemple), la philosophie du Winners Take All !

Cette nouvelle culture, en parallèle avec celle des Beatniks et des Flower people du temps, était en rébellion contre les autorités de l’époque. Leur moto était Empowering the People (voir la récente bibliographie de Steve Jobs).

Parce que les élites politiques étaient des analphabètes numériques, elles n’ont pas protégé ces nouveaux espaces publics et privés où se développait cette nouvelle force virale qu’est le numérique. Sans points de repère pour indiquer les changements fondamentaux en développement, aucune loi n’est venue encadrer ces forces inconnues pour protéger les citoyens contre des abus éventuels.

Conséquences actuelles

  • Ces consortiums sont devenus plus puissants que la plupart des États actuels. Si Facebook était un pays, il serait le troisième pays en importance au monde :
    232
  • Ces consortiums sont devenus des monopoles qui décident unilatéralement d’actions qui mettent en danger la vie économique ou sociale des pays. Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, n’a-t-on colligé autant d’informations personnelles sur les citoyens.
  • En fait, ces entreprises d’information sont devenues des entreprises de services qui deviennent le fondement de notre nouvelle société (santé, éducation et culture) et de notre économie (Net economy).

Notre Nouveau Monde est confronté à plusieurs révolutions inconnues à ce jour et les autorités en place n’en ont même pas conscience. Quant au citoyen, on lui offre un monde où le moteur de recherche pourra penser à sa place.

Voici le <em>Google Brain</em> vers 2020 (schéma incomplet) :
233

Au début, la démarche a commencé par une utopie : la conquête numérique de toute la planète (voir ci-dessous). Puis, des sociétés industrielles, on est passé aux environnements de proximité (la ville intelligente, récemment), pour vouloir mettre éventuellement en réseau les objets personnels (l’Internet 3) :

06_transition

La vraie utopie est la création de systèmes de communication numérique capables de penser comme le cerveau d’un être humain (voir le projet BRAIN, chapitre 2).

Exemple de l’univers de Google

Cette entreprise est responsable de 7 % du trafic mondial sur Internet. Elle s’est donnée pour mission d’organiser l’information à l’échelle mondiale et de la rendre universellement accessible et utile. C’est :

  • 50 000 employés à travers le monde ;
  • 60 milliards $ de revenus en 2013 (un profit de 14 milliards $) ;
  • une capitalisation de 300 milliards $ ;
  • 32 milliards de documents indexés, etc.

Google Searches Today
    Capture d’écran 2014-09-24 à 10.56.41

C’est la plus grande agence publicitaire au monde, combinant le plus important moteur de recherche (PageRank) avec la plus importante plateforme vidéo (YouTube), le plus important serveur de courriels (Gmail) et le plus important système mobile (Android). Ses services et produits sont :

Google Maps Google Apps Chrome
Google Earth Google Glass AdSense
Google Analytics Google Books AdWord
Google Translate Google Fiber Knowledge Graph. etc.

En outre, cette entreprise possède plusieurs labs : un projet de turbine éolienne (Makami), de télécommunication (Loon et drone solaire), d’écouteur (avec Motorola), de robocar, d’Internet 3, etc.

Voici une carte 3D illustrant les milliers de sites connectés à Google (situé au centre de cette carte) à un moment donné (Wikimédia) :  234

À ce jour, Google a fait l’objet de nombreuses poursuites pour non-respect des droits d’auteurs, de copies d’ouvrage sans l’autorisation des éditeurs, de contrefaçon, de débauchage d’employés, de monopole abusif, etc. Google répond alors que ce n’est pas de sa faute : Vous utilisez notre moteur de recherche qui est un algorithme statistique, donc automatique et objectif !

Voici l’algorithme de Google :

235

Si l’empire Google continue sur sa lancée actuellelle, il pourrait devenir un carrefour de la pensée humaine. Car il pourrait éventuellement posséder une grille de lecture de la pensée des gens. Est-ce souhaitable économiquement et culturellement ? D’ailleurs, est-ce souhaitable que Google devienne la seule porte d’entrée à la connaissance ?Des entreprises très différentes

Les entreprises industrielles vendent surtout de produits manufacturés en usine via des marchés organisés à partir d’un territoire bien délimité, tandis que les nouvelles entreprises d’information vendent des produits à partir du cyberespace. La grande différence entre le B2B, B2C et C2C et la Net Economy est que celle-ci peut offrir au public des services gratuits tout en récoltant des revenus faramineux. Ces revenus d’un nouveau genre sont automatiques, donc difficiles à observer, car ils sont liés au faux mythe de la gratuité du Web :

  • vente de mots-clés publicitaires (Adwords) ;
  • vente de liens commandités ;
  • publicité en ligne (bannières) ;
  • espaces de stockage et de services Cloud ;
  • revente de données marketing ;
  • applications ;
  • tactiques d’évasion fiscale, etc.

De plus, ces entreprises imposent aux usagers un modèle de contribution volontaire et offrent, depuis peu, un modèle de surveillance (voir ci-dessous).

Il faut comprendre que, dans ce nouvel univers marqué par la personnalisation, elles peuvent casser les prix au point où il ne reste que quelques sous de bénéfices, mais ceux-ci sont maintenant multipliés par des centaines de millions d’usagers.

Ces entreprises ignorent certaines règles gouvernementales (douane, impôt, etc.), car elles ne répondent qu’à leur conseil d’administration ou aux pressions de la Bourse. Ce sont des entreprises cachotières, qui ne révèlent jamais leurs démarches (secret professionnel !) et qui ne carburent qu’aux bénéfices afin de plaire à leurs seuls patrons : les investisseurs.

Le modèle de contribution volontaire

L’usager des réseaux sociaux fournit, à ses frais, des informations sur lui-même sans lesquelles il ne peut utiliser le produit. En outre, les promoteurs lui demandent aussi de fournir des photos et des vidéos, libres de droits. Par la suite, ils l’invitent à solliciter lui-même ses « amis », sous prétexte de commenter leurs contenus et profils. Il s’agit d’une économie de la contribution  déguisée. En 2011, Facebook a ainsi récolté 3,7 milliards $ en publicité.

Ils vampirisent nos vies pour les revendre aux annonceurs.

(Electronic Privacy Information Center)

Le modèle de surveillance

Aux États-Unis, une économie de la surveillance s’est mise en place suite à la guerre irakienne : interception ou brouillage des communications, lecture des courriels personnels, renseignement, monitorage (chapitre 6). Elle voit le jour grâce au développement de technologies de renseignement personnel de masse ; elle est la suite du Battlefield Internet mis en place lors de l’invasion de l’Irak (Rumsfeld, 2009). Depuis les attaques terroristes de 2001, ces technologies prolifèrent au fur et à mesure que les règlements concernant la protection de la vie civile s’amenuisent (Patriot Act). Cette surveillance de masse traite chaque citoyen comme un suspect et remet en cause la présomption d’innocence. Ce modèle fonctionne à partir de la terreur que les médias de masse font régner à propos du terrorisme, peur qui en a remplacé une autre, plus vieille : celle du communisme durant la guerre froide des années 60. C’est cette terreur qui fait que beaucoup de citoyens permettent aujourd’hui à l’État de troquer une partie de leur vie privée en échange de plus de sécurité (chapitre 3).

236

C’est un Nouveau Monde qui se met en place. Il est dominé actuellement par les Big Four de l’information : Google, Apple, Amazon et Facebook (chapitre 1). C’est un monde aux contours flous à cause des secrets industriels dont ces grandes entreprises s’entourent.

On ne réalise guère que nous venons d’assister, en 40 ans, à l’émergence de superpuissances comme on ne l’avait jamais vu auparavant dans toute notre histoire. Nous sommes dépendants de leurs écrans pour communiquer, transiger, apprendre et même rêver. Notre patrimoine culturel, comme les livres, les images et la musique, est emmagasiné chez eux et semble leur appartenir désormais.

Est-ce que nous sommes en train d’échanger les classes politiques et économiques qui nous ont dominés dans le passé pour cette nouvelle élite qui semble vouloir s’approprier tous les outils nécessaires à notre développement futur ?

Pourquoi en sommes-nous rendus là ?

La situation a commencé à se développer à partir des années 1980. À l’origine, il y avait de très petites compagnies, nées dans des garages de la Côte ouest américaine, qui voulaient répondre aux besoins de quelques usagers locaux. C’étaient des jeunes anticonformistes qui rêvaient du jour où il y aurait un ordinateur dans chaque maison. Sans le savoir, ils ont envahi un nouvel espace social qui était complètement inoccupé.

La règle du premier arrivé a joué en leur faveur. En effet, les premières entreprises qui plantent leur drapeau sur un territoire donné sont toujours adoptées par les premiers utilisateurs (early adaptors). C’est la prime au premier entrant (Apple et Microsoft, par exemple), la philosophie du Winners Take All !

Cette nouvelle culture, en parallèle avec celle des Beatniks et des Flower people du temps, était en rébellion contre les autorités de l’époque. Leur moto était Empowering the People (voir la récente bibliographie de Steve Jobs).

Parce que les élites politiques étaient des analphabètes numériques, elles n’ont pas protégé ces nouveaux espaces publics et privés où se développait cette nouvelle force virale qu’est le numérique. Sans points de repère pour indiquer les changements fondamentaux en développement, aucune loi n’est venue encadrer ces forces inconnues pour protéger les citoyens contre des abus éventuels.

Conséquences actuelles

  • Ces consortiums sont devenus plus puissants que la plupart des États actuels. Si Facebook était un pays, il serait le troisième pays en importance au monde :
    232
  • Ces consortiums sont devenus des monopoles qui décident unilatéralement d’actions qui mettent en danger la vie économique ou sociale des pays. Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, n’a-t-on colligé autant d’informations personnelles sur les citoyens.
  • En fait, ces entreprises d’information sont devenues des entreprises de services qui deviennent le fondement de notre nouvelle société (santé, éducation et culture) et de notre économie (Net economy).

Notre Nouveau Monde est confronté à plusieurs révolutions inconnues à ce jour et les autorités en place n’en ont même pas conscience. Quant au citoyen, on lui offre un monde où le moteur de recherche pourra penser à sa place.

Voici le <em>Google Brain</em> vers 2020 (schéma incomplet) :
233

Au début, la démarche a commencé par une utopie : la conquête numérique de toute la planète (voir ci-dessous). Puis, des sociétés industrielles, on est passé aux environnements de proximité (la ville intelligente, récemment), pour vouloir mettre éventuellement en réseau les objets personnels (l’Internet 3) :

06_transition

La vraie utopie est la création de systèmes de communication numérique capables de penser comme le cerveau d’un être humain (voir le projet BRAIN, chapitre 2).

Exemple de l’univers de Google

Cette entreprise est responsable de 7 % du trafic mondial sur Internet. Elle s’est donnée pour mission d’organiser l’information à l’échelle mondiale et de la rendre universellement accessible et utile. C’est :

  • 50 000 employés à travers le monde ;
  • 60 milliards $ de revenus en 2013 (un profit de 14 milliards $) ;
  • une capitalisation de 300 milliards $ ;
  • 32 milliards de documents indexés, etc.

Google Searches Today
    Capture d’écran 2014-09-24 à 10.56.41

C’est la plus grande agence publicitaire au monde, combinant le plus important moteur de recherche (PageRank) avec la plus importante plateforme vidéo (YouTube), le plus important serveur de courriels (Gmail) et le plus important système mobile (Android). Ses services et produits sont :

Google Maps Google Apps Chrome
Google Earth Google Glass AdSense
Google Analytics Google Books AdWord
Google Translate Google Fiber Knowledge Graph. etc.

En outre, cette entreprise possède plusieurs labs : un projet de turbine éolienne (Makami), de télécommunication (Loon et drone solaire), d’écouteur (avec Motorola), de robocar, d’Internet 3, etc.

Voici une carte 3D illustrant les milliers de sites connectés à Google (situé au centre de cette carte) à un moment donné (Wikimédia) :  234

À ce jour, Google a fait l’objet de nombreuses poursuites pour non-respect des droits d’auteurs, de copies d’ouvrage sans l’autorisation des éditeurs, de contrefaçon, de débauchage d’employés, de monopole abusif, etc. Google répond alors que ce n’est pas de sa faute : Vous utilisez notre moteur de recherche qui est un algorithme statistique, donc automatique et objectif !

Voici l’algorithme de Google :

235

Si l’empire Google continue sur sa lancée actuellelle, il pourrait devenir un carrefour de la pensée humaine. Car il pourrait éventuellement posséder une grille de lecture de la pensée des gens. Est-ce souhaitable économiquement et culturellement ? D’ailleurs, est-ce souhaitable que Google devienne la seule porte d’entrée à la connaissance ?Des entreprises très différentes

Les entreprises industrielles vendent surtout de produits manufacturés en usine via des marchés organisés à partir d’un territoire bien délimité, tandis que les nouvelles entreprises d’information vendent des produits à partir du cyberespace. La grande différence entre le B2B, B2C et C2C et la Net Economy est que celle-ci peut offrir au public des services gratuits tout en récoltant des revenus faramineux. Ces revenus d’un nouveau genre sont automatiques, donc difficiles à observer, car ils sont liés au faux mythe de la gratuité du Web :

  • vente de mots-clés publicitaires (Adwords) ;
  • vente de liens commandités ;
  • publicité en ligne (bannières) ;
  • espaces de stockage et de services Cloud ;
  • revente de données marketing ;
  • applications ;
  • tactiques d’évasion fiscale, etc.

De plus, ces entreprises imposent aux usagers un modèle de contribution volontaire et offrent, depuis peu, un modèle de surveillance (voir ci-dessous).

Il faut comprendre que, dans ce nouvel univers marqué par la personnalisation, elles peuvent casser les prix au point où il ne reste que quelques sous de bénéfices, mais ceux-ci sont maintenant multipliés par des centaines de millions d’usagers.

Ces entreprises ignorent certaines règles gouvernementales (douane, impôt, etc.), car elles ne répondent qu’à leur conseil d’administration ou aux pressions de la Bourse. Ce sont des entreprises cachotières, qui ne révèlent jamais leurs démarches (secret professionnel !) et qui ne carburent qu’aux bénéfices afin de plaire à leurs seuls patrons : les investisseurs.

Le modèle de contribution volontaire

L’usager des réseaux sociaux fournit, à ses frais, des informations sur lui-même sans lesquelles il ne peut utiliser le produit. En outre, les promoteurs lui demandent aussi de fournir des photos et des vidéos, libres de droits. Par la suite, ils l’invitent à solliciter lui-même ses « amis », sous prétexte de commenter leurs contenus et profils. Il s’agit d’une économie de la contribution  déguisée. En 2011, Facebook a ainsi récolté 3,7 milliards $ en publicité.

Ils vampirisent nos vies pour les revendre aux annonceurs.

(Electronic Privacy Information Center)

Le modèle de surveillance

Aux États-Unis, une économie de la surveillance s’est mise en place suite à la guerre irakienne : interception ou brouillage des communications, lecture des courriels personnels, renseignement, monitorage (chapitre 6). Elle voit le jour grâce au développement de technologies de renseignement personnel de masse ; elle est la suite du Battlefield Internet mis en place lors de l’invasion de l’Irak (Rumsfeld, 2009). Depuis les attaques terroristes de 2001, ces technologies prolifèrent au fur et à mesure que les règlements concernant la protection de la vie civile s’amenuisent (Patriot Act). Cette surveillance de masse traite chaque citoyen comme un suspect et remet en cause la présomption d’innocence. Ce modèle fonctionne à partir de la terreur que les médias de masse font régner à propos du terrorisme, peur qui en a remplacé une autre, plus vieille : celle du communisme durant la guerre froide des années 60. C’est cette terreur qui fait que beaucoup de citoyens permettent aujourd’hui à l’État de troquer une partie de leur vie privée en échange de plus de sécurité (chapitre 3).

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