L’ancêtre

L’être moderne, c’est-à-dire ressemblant à l’être actuel, apparaît il y a environ 50,000 ans. Nous sommes l’addition de milliers de mutations grâce à la fluidité de notre cerveau qui nous a permis de nus adapter à l’évolution de nos environnements durant des siècles. Nous sommes devenus ce que nous sommes parce que notre cerveau a été bombardé d’informations de toutes sortes pendant des milliers d’années.

Chaque individu est un maillon d’une très longue chaine qui se perd dans la nuit des temps ; nous sommes la somme de plusieurs forces qui nous font évoluer :
Citoyen-7-1

Les transitions

Aujourd’hui, le citoyen change surtout à cause de l’apparition de nouveaux outils de communication (au centre du schéma ci-dessous). Ce sont eux qui modifient le tissu social (situé à gauche dans le schéma) :
Citoyen-B-7-1
Nous sommes passés des médias de masse (1950) aux médias actuels qui sont plutôt personnalisés par ce que nous commençons a médiatiser, les contenus et les services, à l’aide de ce nouvel outil que sera l’Internet des services.

Sulcuk-2-7

Selçuk, Le Monde diplomatique, Manière de voir, 1993.

Les peurs des nouvelles clientèles

Les nouvelles clientèles, beaucoup plus éduquées et familières avec les NTIC, connaissant maintenant plusieurs peurs :

  • le profilage par des algorithmes appartenant à des empires privés ;
  • la perte de liberté individuelle (perte de droits à la vie privée) à cause de l’espionnage par des entreprises gouvernementales ;
  • la perte d’emplois par délocation, automatisation ou internitisation (et l’absence de formation continue) ;
  • le recul de la capacité d’intelligence et d’attention devant la montée d’un environnement devenant de plus en plus numérique. Etc.
Des changements pour lesquels le citoyen n’est pas actuellement prêt

Les cinq crises qui s’annoncent vont peser de tout leur poids sur le citoyen. De tous les acteurs qui constituent notre société (gouvernement, institutions, élites politique et économique et société civile), c’est le citoyen qui va surtout porter le fardeau des changements à venir. Les mutations sociétales ne s’accompliront que s’il accepte de changer plusieurs de ses comportements et, de plus, c’est encore lui qui va en défrayer les coûts financiers. Il n’est pas préparé aux sacrifices que ses dirigeants vont lui imposer.

Un citoyen « animé » par le néolibéralisme :

neolibera-7-1

Selçuk, Le Monde diplomatique, Manière de voir, 1993.

Les trois étapes

Le citoyen a vécu trois mutations en autant de générations. Il est passé d’une culture locale et homogène (1900) à une culture de masse contrôlée par des promoteurs commerciaux (1950) vers une culture numérique, c’est-à-dire interactive. La première mutation lui a demandé d’apprendre à lire et écrire, il découvre alors la modernité de son JE. La deuxième mutation la noyé dans un tsunami quotidien d’images télévisuelles qui lui révèle la planète sur laquelle il vit. La troisième lui présente un cyberespace où il découvre qu’il fait partie d’un NOUS. Ce sont trois étapes d’un processus de responsabilisation vis-à-vis son milieu :
Citoye-A-7-1
Citoy-B-7-1
Il passe d’une participation à la vie locale à une vie en réseau
cerveau
Durant les derniers cinquante ans, les TI lui ont fait subir d’importants changements culturels et économiques :
Change-A-7-1
Changess-B-7-1

L’ancien et le nouveau citoyen

Le nouveau citoyen est maintenant membre du village global numérique quilui impose une culture de la télécommande : il est le véhicule des transitions en cours :
Ancien-7-1
Comme la plante qui se nourrit et enrichit son environnement physique immédiat, un citoyen se nourrit de sa société qui à son tour l’enrichit.
Il est un système vivant qui vit parce qu’il échange constamment avec les autres humains qui, comme lui, se nourrit de signes et de symboles qui donnent un sens à sa vie (chapitre 5, no 3). Il vit par et pour les autres êtres avec qui il communique via ses racines, c’est-à-dire sa culture. D’ailleurs, il ne choisit pas celle-ci, il nait dedans.

Le reste est n’est que politique ou économie qui donnent un cadre à ses actions.

L’homme n’est homme que dans la mesure où il l’est parmi d’autres et revêtu des symboles de sa raison d’être.

André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1965.

Durant l’ère industrielle, le citoyen n’était devenu qu’un rouage du commerce local, c’est-à-dire un être anonyme et passif, réagissant aux grandes campagnes de marketing ou de désinformation des médias de masse. Comment le définir maintenant ?

Tout d’abord, l’être humain semble être à égale distance entre l’infiniment petit et l’infiniment grand :
Petit-7-1

L’homme est la mesure de toute chose.

Protagoras (vers – 450)

Entre la JE et le NOUS

Il fonctionne entre son JE et le NOUS. Pour se maintenir en équilibre dans un monde en constantes évolutions, son JE utilise plusieurs fonctions :
Moi-7-1
Il devient un système informationellement ouvert, c’est-à-dire en constantes relations avec ses différents mondes terrestre, technologique ou d’idées (chapitre 0, no 1).

Tous les hommes naissent égaux ; leurs droits inaliénables sont la vie, la liberté et la recherche du bonheur.

Thomas Jefferson, la Déclaration des droits, 1776,
(inspiré par le philosophe anglais John Locke, 1632-1704)

Le développement du JE

Cinq différents systèmes de mémoire interviennent dans le développement de son JE qui est façonné par les souvenirs, les sensations et les images qui sont stockées dans les différentes localisations de son cerveau (voir E. Tulving) :
Memoir-7-1
Ce tout détermine les rapports entre son JE et le NOUS, c’est-à-dire avec les autres membres de la société (pour voir la construction du NOUS, voir Culture, chapitre 6, no 7).

Il vit entre son JE et le NOUS à partir de trois espaces : un espace personnalisé où il passe plus de 70 % de son temps, un espace privé, 20 % de son temps et un espace public, 10 % :
Tissu-7-1
(Placée de coté, cette pyramide ressemble à celle de Maslow, voir plus loin).

Son tissu social

La société de la connaissance possède trois dimensions : l’espace, le temps et l’information. Elle est faite d’un tissu social où le citoyen grandit et évolue selon les rêves et la culture qu’il partage avec les autres. C’est ce qui lui permet de circuler facilement du JE au NOUS, donc du local au mondial et vice-versa. Dans le schéma ci-dessous, on distingue ces processus d’apprentissage qui deviennent en même temps son processus d’identification dans les trois dimensions de son monde :
Ensemble-7-1
Si, comme c’est le cas présentement, la confiance disparaît, les rêves communs deviennent inexistants et la culture s’affaiblit. Ce qui explique pourquoi la société actuelle est bloquée.

Les dimensions espace & temps

Tout au long de sa vie, il doit apprivoiser des espaces et des calendriers de plus en plus abstraits :
Espace-temps-7-1
Ce schéma ressemble à celui de l’ékistique (voir ci-dessous). Celle-ci est la science des espaces habités. Elle permet de mieux comprendre et gérer les interrelations qui se développent entre les êtres humains et es espaces. Surtout au moment où plus de 50 % de la population de la planète habitent une grande ville (chapitre 8, no 1).

L’équistique
Doxiadis-7-1
Ci-dessus, chaque espace/population est à peu près multiplié par un coefficient de 7.
Cette science fut créée par Constantin Doxiadis en 1942 et publiée en 1968.

La dimension information

Tout au long de sa vie, le citoyen échange et contribue au monde des idées (chapitre 9, no 1), en devenant à son tour un pôle d’influence qui enrichit son monde :
Informa-7-1
Parce que notre cerveau s’adapte constamment aux outils que nous utilisons, l’écrit, l’imprimerie et la télévision l’ont impacté dans le passé en modifiant ses connexions neuronales. Ainsi, l’Internet devient maintenant un prolongement du JE et du NOUS parce que modifiant sa mémoire.

L’utilisation citoyenne d’Internet

En utilisant la courbe de Gauss et celle de Rogers, on pense que l’utilisation d’Internet par les citoyens ressemble actuellement à ceci
roger-7-1

  1. Il existe un très petit noyau de pionniers qui, depuis 40 ou 50 ans, anticipent les crises à venir. Ils participent aux travaux de plusieurs dizaines de think tanks (50 ?) qui entreprennent des explorations prévisionnelles (chapitre 0, no 0).
  2. Dans tous les pays, il existe des mordus (geeks, techies) qui ont embrassé avec enthousiasme les TI. C’est le centre de leurs préoccupations et souvent même de leur vie. Ils sont jeunes et peu nombreux, mais ce sont eux qui lancent les modes (2 % ?).
  3. Ensuite apparaît un groupe de journalistes qui accaparent le devant de la scène médiatique (médias de masse) avec leurs exagérations concernant les TI. Ce sont les nouveaux gourous qui occupent du temps d’antenne ou vendent du papier. Ils sont peu nombreux, mais tonitruants.
  4. Il y a tous ces gens qui utilisent actuellement les micro-ordinateurs soit pour créer des contenus (des travailleurs de l’information qui cherchent à améliorer leur productivité) soit pour prendre la parole publiquement (des travailleurs d’opinion utilisant les réseaux sociaux I).
  5. Enfin, il y a une masse importante de téléspectateurs qui ne regardent plus leurs téléviseurs, mais plutôt leur cinéma-maison (via catalogues-abonnement en streaming).

    Ajoutons à ce groupe presque tous les jeunes (80 %?) qui utilisent les réseaux sociaux I pour se reconstituer une nouvelle forme de tissu social.

    Ce sont tous ces gens qui développent une participation sociale autour des jeux, des blogues, des tweets et des selfies : une forme de peopolisation à coup de « j’aime »  ; des gens que la revue Time a appelé « l’homme de l’année » en 2003.

    Les 4 et 5 représentent 23 % de la population mondiale, dans l’ensemble ils magasinent surtout.

  6. Actuellemennt 70 % de la population n’est pas intéressé par Internet, mais ils y viendront éventuellement (questions de modes, de stratégies ou de statut social).
  7. Les 5 % qui restent ont déjà complètement décroché pour des raisons économiques ou sociales et vont le demeurer (beaucoup d’analphabètes, ceux du défi de la fracture numérique).
Ses choix

Un citoyen est à la fois un JE (son corps et son esprit) et un NOUS (sa famille élargie, ses « amis », ses niches, etc.) Sa vie est un constant combat pour conserver son équilibre face aux mutations de ses environnements (voir le schéma ci-dessous). C’est encore plus vrai aujourd’hui avec les cinq crises qui se profilent (chapitre 0, no 1) dans un avenir proche et qui, pour la première fois de l’histoire, concernent tous les habitants de la planète. D’où la violence de cette ère de transition qui ne fait que commencer à se faire sentir.

Cette violence, que ce soit celle de Charlie Hebdo ou celle du Bataclan, ou des victimes des bombardements d’hôpitaux ou des camps de réfugiés, s’insinue dans le cerveau du citoyen via toutes ces images-écrans qui révèlent quotidiennement les détails tout cru, au lieu d’être filtré comme autrefois.

À la longue cette violence laisse des traces dans le cerveau des téléspectateurs, parce qu’elle pollue leur imaginaire.

La vie prend sa source dans le fait que chaque citoyen doit constamment choisir entre différentes actions, donc entre différents outils :
Outil-7-1
Ce schéma pourrait servir de table des matières à ce site. Il explique pourquoi de nouvelles façons de penser nous sont imposées par la nouvelle complexité de la société de la connaissance qui prend forme.

Un Nouveau Monde où il prend la parole

Aujourd’hui, l’être humain vit dans un espace social qui ressemble à une pyramide (chapitre 6, no 2). En haut, il trouve ses gouvernements et au centre, les diverses institutions qui servent au fonctionnement de son milieu. En bas se situe l’espace où il vit presque entièrement toute sa vie (naissance, mariage, décès), car il est le chaînon de sa famille proche, de sa famille élargie et de son village (donc l’acteur principal de sa proximité) ; à la fois JE et NOUS. À bien y penser, cette pyramide ressemble étrangement à celle de Maslow ou plutôt c’est celle de Maslow qui la reproduit (voir plus loin).
Autrefois, il était un simple chaînon obscur en bas de la pyramide sociale. Aujourd’hui, le citoyen est placé au centre de prises de décisions qui doivent être collectives.

Les changements exigés par les crises actuelles exigent un changement de comportement, donc sa participation aux décisions. Si les médias de masse de l’ère industrielle avaient réussi à le rendre anonyme et passif, les réseaux sociaux exigent maintenant qu’il devienne proactif (voir le no 7 plus loin).
Les membres d’une société s’identifient surtout à leurs rêves communs et beaucoup moins comparativement à leur drapeau ou à leurs frontières. Et parce que l’être humain demeure toujours un projet en devenir, ces rêves deviennent les identificateurs de son identité.

Croire que la gouvernance est réductible aux seuls enjeux économiques, c’est admettre que notre régime démocratique n’est plus l’affaire de règles communes, mais dépendent d’intérêts particuliers.

Michel Leclerc

Obnubilés par la pulsion économique qui est un héritage de la pensée industrielle, les gouvernants actuels sont complètement dépassés par les crises postindustrielles qui surgissent. D’ailleurs, à cause de la mondialisation économique en cours, la classe politique a vu ses pouvoirs passés aux mains de la classe économique ; ils ne font qu’administrer leur territoire.

Les citoyens vivent un changement majeur : ils passent de la génération des immigrants numériques (les boomers) à celle des natifs.

Les états

Le citoyen que je suis est né en 1932 et a connu deux états différents (enfant et adulte). Tandis qu’aujourd’hui mes petits-enfants en connaissent quatre (enfant, adolescent, majeur et adulte) :

  • 2 états
    On m’a considéré comme un mineur jusqu’à mes 21 ans. Une fois marié (situation officialisée, enfants, hypothèques, etc.) je suis devenu un vrai citoyen (j’étais capable de payer mes taxes et d’aller voter de temps en temps). Mais, j’ai toujours eu l’impression d’être passif et anonyme, c’est-à-dire de faire partie de la majorité silencieuse du temps.
  • 4 états
    Mes petits-enfant sont d’abord des bébés (les enfants-rois : aimés, bichonnés et surprotégés). Puis vers dix ans, ils se métamorphosent en adolescents, entrant dans une sphère remplie de vendeurs qui leur proposent des CD, des vêtements, des idoles et des smarphones. Ils deviennent officiellement majeurs à 18 ans, mais vraiment des adultes que beaucoup plus tard (phénomène des Tanguy) parce que le modèle économique les manipule avec son système de cartes de crédit.

Je crois que nous avons transité de 2 à 4 états avec l’arrivée en 1960 de la télévision grand public. Avec elle, les comportements des citoyens ont commencer à changer :
Etats-7-1

Un changement de génération

Deux solitudes se font maintenant face ; ce sont deux cerveaux biologiquement semblables, mais culturellement très différents. Les aînés, qui étaient il n’y pas si longtemps la majorité silencieuse, savent que les changements sont en marche, mais ils ne veulent pas laisser leur place et, encore moins, consulter la génération qui vient. Celle-ci voit avec effroi l’héritage qu’on va lui laisser et le chômage qui est devenu son lot quotidien.

Autre passages :   022

Parce que ces générations ne dialoguent pas, il n’y pas de transferts intergénérationnels de valeurs, donc pas de suite pour le futur (du moins, en ce moment). Le passage est dramatique parce qu’il n’y a plus aucun rêve entre les différents groupes d’âge :

292

À plus long terme,

Après 2020 (?), la nature du citoyen changera tellement qu’elle suscitera une nouvelle société. Durant les dernières décennies, le citoyen a déjà subi trois métamorphoses identitaires :

  • son passage de la campagne vers la ville a fait de lui un urbain mal à l’aise dans ce nouveau milieu ;
  • les médias de masse font de lui un consommateur insatisfait ;
  • tandis qu’Internet le métamorphose en un informivore pas toujours rassasié.

Il amorce maintenant d’autres métamorphoses :

  • son tissu social s’effiloche devant les poussées de l’urbanisation et de l’immigration ;
  • son monde est devenu incohérent depuis que les médias de masse ne lui offrent qu’un infospectacle continu ;
  • sa confiance envers ses élites politiques et économiques a fondu devant leur insistance à défendre leurs privilèges face aux crises qui s’annoncent.

En même temps que son mécontentement grandit, il découvre également qu’il peut exprimer celui-ci via ses réseaux sociaux (voir no 10). Cependant, ces réseaux de première génération ne font actuellement que flatter son égo. Est-ce qu’il pourra apprendre à créer les consensus nécessaires au développement durable avec les réseaux de deuxième génération ? Aussi, comme ce sont des médias où règnent les émotions, saura-t-il contrôler celles-ci ?

L’ancêtre

L’être moderne, c’est-à-dire ressemblant à l’être actuel, apparaît il y a environ 50,000 ans. Nous sommes l’addition de milliers de mutations grâce à la fluidité de notre cerveau qui nous a permis de nus adapter à l’évolution de nos environnements durant des siècles. Nous sommes devenus ce que nous sommes parce que notre cerveau a été bombardé d’informations de toutes sortes pendant des milliers d’années.

Chaque individu est un maillon d’une très longue chaine qui se perd dans la nuit des temps ; nous sommes la somme de plusieurs forces qui nous font évoluer :
Citoyen-7-1

Les transitions

Aujourd’hui, le citoyen change surtout à cause de l’apparition de nouveaux outils de communication (au centre du schéma ci-dessous). Ce sont eux qui modifient le tissu social (situé à gauche dans le schéma) :
Citoyen-B-7-1
Nous sommes passés des médias de masse (1950) aux médias actuels qui sont plutôt personnalisés par ce que nous commençons a médiatiser, les contenus et les services, à l’aide de ce nouvel outil que sera l’Internet des services.

Sulcuk-2-7

Selçuk, Le Monde diplomatique, Manière de voir, 1993.

Les peurs des nouvelles clientèles

Les nouvelles clientèles, beaucoup plus éduquées et familières avec les NTIC, connaissant maintenant plusieurs peurs :

  • le profilage par des algorithmes appartenant à des empires privés ;
  • la perte de liberté individuelle (perte de droits à la vie privée) à cause de l’espionnage par des entreprises gouvernementales ;
  • la perte d’emplois par délocation, automatisation ou internitisation (et l’absence de formation continue) ;
  • le recul de la capacité d’intelligence et d’attention devant la montée d’un environnement devenant de plus en plus numérique. Etc.
Des changements pour lesquels le citoyen n’est pas actuellement prêt

Les cinq crises qui s’annoncent vont peser de tout leur poids sur le citoyen. De tous les acteurs qui constituent notre société (gouvernement, institutions, élites politique et économique et société civile), c’est le citoyen qui va surtout porter le fardeau des changements à venir. Les mutations sociétales ne s’accompliront que s’il accepte de changer plusieurs de ses comportements et, de plus, c’est encore lui qui va en défrayer les coûts financiers. Il n’est pas préparé aux sacrifices que ses dirigeants vont lui imposer.

Un citoyen « animé » par le néolibéralisme :

neolibera-7-1

Selçuk, Le Monde diplomatique, Manière de voir, 1993.

Les trois étapes

Le citoyen a vécu trois mutations en autant de générations. Il est passé d’une culture locale et homogène (1900) à une culture de masse contrôlée par des promoteurs commerciaux (1950) vers une culture numérique, c’est-à-dire interactive. La première mutation lui a demandé d’apprendre à lire et écrire, il découvre alors la modernité de son JE. La deuxième mutation la noyé dans un tsunami quotidien d’images télévisuelles qui lui révèle la planète sur laquelle il vit. La troisième lui présente un cyberespace où il découvre qu’il fait partie d’un NOUS. Ce sont trois étapes d’un processus de responsabilisation vis-à-vis son milieu :
Citoye-A-7-1
Citoy-B-7-1
Il passe d’une participation à la vie locale à une vie en réseau
cerveau
Durant les derniers cinquante ans, les TI lui ont fait subir d’importants changements culturels et économiques :
Change-A-7-1
Changess-B-7-1

L’ancien et le nouveau citoyen

Le nouveau citoyen est maintenant membre du village global numérique quilui impose une culture de la télécommande : il est le véhicule des transitions en cours :
Ancien-7-1
Comme la plante qui se nourrit et enrichit son environnement physique immédiat, un citoyen se nourrit de sa société qui à son tour l’enrichit.
Il est un système vivant qui vit parce qu’il échange constamment avec les autres humains qui, comme lui, se nourrit de signes et de symboles qui donnent un sens à sa vie (chapitre 5, no 3). Il vit par et pour les autres êtres avec qui il communique via ses racines, c’est-à-dire sa culture. D’ailleurs, il ne choisit pas celle-ci, il nait dedans.

Le reste est n’est que politique ou économie qui donnent un cadre à ses actions.

L’homme n’est homme que dans la mesure où il l’est parmi d’autres et revêtu des symboles de sa raison d’être.

André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1965.

Durant l’ère industrielle, le citoyen n’était devenu qu’un rouage du commerce local, c’est-à-dire un être anonyme et passif, réagissant aux grandes campagnes de marketing ou de désinformation des médias de masse. Comment le définir maintenant ?

Tout d’abord, l’être humain semble être à égale distance entre l’infiniment petit et l’infiniment grand :
Petit-7-1

L’homme est la mesure de toute chose.

Protagoras (vers – 450)

Entre la JE et le NOUS

Il fonctionne entre son JE et le NOUS. Pour se maintenir en équilibre dans un monde en constantes évolutions, son JE utilise plusieurs fonctions :
Moi-7-1
Il devient un système informationellement ouvert, c’est-à-dire en constantes relations avec ses différents mondes terrestre, technologique ou d’idées (chapitre 0, no 1).

Tous les hommes naissent égaux ; leurs droits inaliénables sont la vie, la liberté et la recherche du bonheur.

Thomas Jefferson, la Déclaration des droits, 1776,
(inspiré par le philosophe anglais John Locke, 1632-1704)

Le développement du JE

Cinq différents systèmes de mémoire interviennent dans le développement de son JE qui est façonné par les souvenirs, les sensations et les images qui sont stockées dans les différentes localisations de son cerveau (voir E. Tulving) :
Memoir-7-1
Ce tout détermine les rapports entre son JE et le NOUS, c’est-à-dire avec les autres membres de la société (pour voir la construction du NOUS, voir Culture, chapitre 6, no 7).

Il vit entre son JE et le NOUS à partir de trois espaces : un espace personnalisé où il passe plus de 70 % de son temps, un espace privé, 20 % de son temps et un espace public, 10 % :
Tissu-7-1
(Placée de coté, cette pyramide ressemble à celle de Maslow, voir plus loin).

Son tissu social

La société de la connaissance possède trois dimensions : l’espace, le temps et l’information. Elle est faite d’un tissu social où le citoyen grandit et évolue selon les rêves et la culture qu’il partage avec les autres. C’est ce qui lui permet de circuler facilement du JE au NOUS, donc du local au mondial et vice-versa. Dans le schéma ci-dessous, on distingue ces processus d’apprentissage qui deviennent en même temps son processus d’identification dans les trois dimensions de son monde :
Ensemble-7-1
Si, comme c’est le cas présentement, la confiance disparaît, les rêves communs deviennent inexistants et la culture s’affaiblit. Ce qui explique pourquoi la société actuelle est bloquée.

Les dimensions espace & temps

Tout au long de sa vie, il doit apprivoiser des espaces et des calendriers de plus en plus abstraits :
Espace-temps-7-1
Ce schéma ressemble à celui de l’ékistique (voir ci-dessous). Celle-ci est la science des espaces habités. Elle permet de mieux comprendre et gérer les interrelations qui se développent entre les êtres humains et es espaces. Surtout au moment où plus de 50 % de la population de la planète habitent une grande ville (chapitre 8, no 1).

L’équistique
Doxiadis-7-1
Ci-dessus, chaque espace/population est à peu près multiplié par un coefficient de 7.
Cette science fut créée par Constantin Doxiadis en 1942 et publiée en 1968.

La dimension information

Tout au long de sa vie, le citoyen échange et contribue au monde des idées (chapitre 9, no 1), en devenant à son tour un pôle d’influence qui enrichit son monde :
Informa-7-1
Parce que notre cerveau s’adapte constamment aux outils que nous utilisons, l’écrit, l’imprimerie et la télévision l’ont impacté dans le passé en modifiant ses connexions neuronales. Ainsi, l’Internet devient maintenant un prolongement du JE et du NOUS parce que modifiant sa mémoire.

L’utilisation citoyenne d’Internet

En utilisant la courbe de Gauss et celle de Rogers, on pense que l’utilisation d’Internet par les citoyens ressemble actuellement à ceci
roger-7-1

  1. Il existe un très petit noyau de pionniers qui, depuis 40 ou 50 ans, anticipent les crises à venir. Ils participent aux travaux de plusieurs dizaines de think tanks (50 ?) qui entreprennent des explorations prévisionnelles (chapitre 0, no 0).
  2. Dans tous les pays, il existe des mordus (geeks, techies) qui ont embrassé avec enthousiasme les TI. C’est le centre de leurs préoccupations et souvent même de leur vie. Ils sont jeunes et peu nombreux, mais ce sont eux qui lancent les modes (2 % ?).
  3. Ensuite apparaît un groupe de journalistes qui accaparent le devant de la scène médiatique (médias de masse) avec leurs exagérations concernant les TI. Ce sont les nouveaux gourous qui occupent du temps d’antenne ou vendent du papier. Ils sont peu nombreux, mais tonitruants.
  4. Il y a tous ces gens qui utilisent actuellement les micro-ordinateurs soit pour créer des contenus (des travailleurs de l’information qui cherchent à améliorer leur productivité) soit pour prendre la parole publiquement (des travailleurs d’opinion utilisant les réseaux sociaux I).
  5. Enfin, il y a une masse importante de téléspectateurs qui ne regardent plus leurs téléviseurs, mais plutôt leur cinéma-maison (via catalogues-abonnement en streaming).

    Ajoutons à ce groupe presque tous les jeunes (80 %?) qui utilisent les réseaux sociaux I pour se reconstituer une nouvelle forme de tissu social.

    Ce sont tous ces gens qui développent une participation sociale autour des jeux, des blogues, des tweets et des selfies : une forme de peopolisation à coup de « j’aime »  ; des gens que la revue Time a appelé « l’homme de l’année » en 2003.

    Les 4 et 5 représentent 23 % de la population mondiale, dans l’ensemble ils magasinent surtout.

  6. Actuellemennt 70 % de la population n’est pas intéressé par Internet, mais ils y viendront éventuellement (questions de modes, de stratégies ou de statut social).
  7. Les 5 % qui restent ont déjà complètement décroché pour des raisons économiques ou sociales et vont le demeurer (beaucoup d’analphabètes, ceux du défi de la fracture numérique).
Ses choix

Un citoyen est à la fois un JE (son corps et son esprit) et un NOUS (sa famille élargie, ses « amis », ses niches, etc.) Sa vie est un constant combat pour conserver son équilibre face aux mutations de ses environnements (voir le schéma ci-dessous). C’est encore plus vrai aujourd’hui avec les cinq crises qui se profilent (chapitre 0, no 1) dans un avenir proche et qui, pour la première fois de l’histoire, concernent tous les habitants de la planète. D’où la violence de cette ère de transition qui ne fait que commencer à se faire sentir.

Cette violence, que ce soit celle de Charlie Hebdo ou celle du Bataclan, ou des victimes des bombardements d’hôpitaux ou des camps de réfugiés, s’insinue dans le cerveau du citoyen via toutes ces images-écrans qui révèlent quotidiennement les détails tout cru, au lieu d’être filtré comme autrefois.

À la longue cette violence laisse des traces dans le cerveau des téléspectateurs, parce qu’elle pollue leur imaginaire.

La vie prend sa source dans le fait que chaque citoyen doit constamment choisir entre différentes actions, donc entre différents outils :
Outil-7-1
Ce schéma pourrait servir de table des matières à ce site. Il explique pourquoi de nouvelles façons de penser nous sont imposées par la nouvelle complexité de la société de la connaissance qui prend forme.

Un Nouveau Monde où il prend la parole

Aujourd’hui, l’être humain vit dans un espace social qui ressemble à une pyramide (chapitre 6, no 2). En haut, il trouve ses gouvernements et au centre, les diverses institutions qui servent au fonctionnement de son milieu. En bas se situe l’espace où il vit presque entièrement toute sa vie (naissance, mariage, décès), car il est le chaînon de sa famille proche, de sa famille élargie et de son village (donc l’acteur principal de sa proximité) ; à la fois JE et NOUS. À bien y penser, cette pyramide ressemble étrangement à celle de Maslow ou plutôt c’est celle de Maslow qui la reproduit (voir plus loin).
Autrefois, il était un simple chaînon obscur en bas de la pyramide sociale. Aujourd’hui, le citoyen est placé au centre de prises de décisions qui doivent être collectives.

Les changements exigés par les crises actuelles exigent un changement de comportement, donc sa participation aux décisions. Si les médias de masse de l’ère industrielle avaient réussi à le rendre anonyme et passif, les réseaux sociaux exigent maintenant qu’il devienne proactif (voir le no 7 plus loin).
Les membres d’une société s’identifient surtout à leurs rêves communs et beaucoup moins comparativement à leur drapeau ou à leurs frontières. Et parce que l’être humain demeure toujours un projet en devenir, ces rêves deviennent les identificateurs de son identité.

Croire que la gouvernance est réductible aux seuls enjeux économiques, c’est admettre que notre régime démocratique n’est plus l’affaire de règles communes, mais dépendent d’intérêts particuliers.

Michel Leclerc

Obnubilés par la pulsion économique qui est un héritage de la pensée industrielle, les gouvernants actuels sont complètement dépassés par les crises postindustrielles qui surgissent. D’ailleurs, à cause de la mondialisation économique en cours, la classe politique a vu ses pouvoirs passés aux mains de la classe économique ; ils ne font qu’administrer leur territoire.

Les citoyens vivent un changement majeur : ils passent de la génération des immigrants numériques (les boomers) à celle des natifs.

Les états

Le citoyen que je suis est né en 1932 et a connu deux états différents (enfant et adulte). Tandis qu’aujourd’hui mes petits-enfants en connaissent quatre (enfant, adolescent, majeur et adulte) :

  • 2 états
    On m’a considéré comme un mineur jusqu’à mes 21 ans. Une fois marié (situation officialisée, enfants, hypothèques, etc.) je suis devenu un vrai citoyen (j’étais capable de payer mes taxes et d’aller voter de temps en temps). Mais, j’ai toujours eu l’impression d’être passif et anonyme, c’est-à-dire de faire partie de la majorité silencieuse du temps.
  • 4 états
    Mes petits-enfant sont d’abord des bébés (les enfants-rois : aimés, bichonnés et surprotégés). Puis vers dix ans, ils se métamorphosent en adolescents, entrant dans une sphère remplie de vendeurs qui leur proposent des CD, des vêtements, des idoles et des smarphones. Ils deviennent officiellement majeurs à 18 ans, mais vraiment des adultes que beaucoup plus tard (phénomène des Tanguy) parce que le modèle économique les manipule avec son système de cartes de crédit.

Je crois que nous avons transité de 2 à 4 états avec l’arrivée en 1960 de la télévision grand public. Avec elle, les comportements des citoyens ont commencer à changer :
Etats-7-1

Un changement de génération

Deux solitudes se font maintenant face ; ce sont deux cerveaux biologiquement semblables, mais culturellement très différents. Les aînés, qui étaient il n’y pas si longtemps la majorité silencieuse, savent que les changements sont en marche, mais ils ne veulent pas laisser leur place et, encore moins, consulter la génération qui vient. Celle-ci voit avec effroi l’héritage qu’on va lui laisser et le chômage qui est devenu son lot quotidien.

Autre passages :   022

Parce que ces générations ne dialoguent pas, il n’y pas de transferts intergénérationnels de valeurs, donc pas de suite pour le futur (du moins, en ce moment). Le passage est dramatique parce qu’il n’y a plus aucun rêve entre les différents groupes d’âge :

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À plus long terme,

Après 2020 (?), la nature du citoyen changera tellement qu’elle suscitera une nouvelle société. Durant les dernières décennies, le citoyen a déjà subi trois métamorphoses identitaires :

  • son passage de la campagne vers la ville a fait de lui un urbain mal à l’aise dans ce nouveau milieu ;
  • les médias de masse font de lui un consommateur insatisfait ;
  • tandis qu’Internet le métamorphose en un informivore pas toujours rassasié.

Il amorce maintenant d’autres métamorphoses :

  • son tissu social s’effiloche devant les poussées de l’urbanisation et de l’immigration ;
  • son monde est devenu incohérent depuis que les médias de masse ne lui offrent qu’un infospectacle continu ;
  • sa confiance envers ses élites politiques et économiques a fondu devant leur insistance à défendre leurs privilèges face aux crises qui s’annoncent.

En même temps que son mécontentement grandit, il découvre également qu’il peut exprimer celui-ci via ses réseaux sociaux (voir no 10). Cependant, ces réseaux de première génération ne font actuellement que flatter son égo. Est-ce qu’il pourra apprendre à créer les consensus nécessaires au développement durable avec les réseaux de deuxième génération ? Aussi, comme ce sont des médias où règnent les émotions, saura-t-il contrôler celles-ci ?